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Le parc des Ballastières

Etude de programmation : 2011-2012



Maître d’ouvrage :
Ville de Segonzac (16)
Échelle d’intervention :
32ha
Estimation des travaux :
500K€ht


Une histoire riche


Le site est une ancienne carrière de sable exploitée pour les besoins de la construction de la voie ferrée d’Angoulême à Beillant en 1860. Ces micro-parcelles de vignes et de bois sur un sol maigre constitué de sables furent donc réunis et exploités jusqu’en 1950. Durant la 2e guerre mondiale, ce sable sert aussi à la construction des pistes de la base aérienne de Cognac et à la construction de blockhaus du mur de l’Atlantique.
Il subsiste des traces de ces extractions : notamment la trame des modelés, tous orientés vers le carrefour St Fort/chemin Boisné et qui se prolongeait en une voie ferrée d’exploitation qui se branchait à la voie principale à Bourg-sur-Charente ; quelques fronts de carrière sont visibles dans les secteurs non remaniés au sud-est, et des vestiges bâtis en béton ou en pierre : abris, trieurs de matériaux.
L’abandon de l’exploitation laisse le terrain accidenté, ce qui favorise l’apport de déchets divers.
En 1977, la commune acquiert les terrains avec les objectifs suivants : « Maintien de l’équilibre biologique et écologique, aménager les espaces verts dans une région où la végétation peu nombreuse risque de disparaître, sauvegarder une zone non polluée au voisinage des sources du Puits Roland où se situe la prise de l’alimentation en eau potable de la région de Segonzac. »
Dans les années 80, les principaux trous sont comblés, les déchets retirés (le site est localisé dans le périmètre d’une zone de captage d’eau potable), s’en suit une campagne de replantation menée avec l’ONF. Ce sont pour la plupart des essences non locales, feuillus à fleurs décoratives ou conifères et qui donnent aujourd’hui cette ambiance si spécifique de dépaysement.
A ces traces s’ajoutent une mémoire riche d’histoires liées au site : présence de la voie romaine reliant Saintes à Clermont-Ferrand (chemin de Boisne ou Boisné) et du chemin de Saint-Fort à l’intersection desquelles se trouve un ancien puits bouché qui aurait servi de halte aux romains (La Croix Ferrade). Ces chemins ont aussi mené les habitants de Jarnac et de Segonzac aux réunions secrètes protestantes durant les guerres de religions. Ces « Assemblées du Désert » occasionnaient aussi la célébration des mariages et des baptêmes, et confèrent donc ainsi au site une fonction sacrée.

Un projet ambitieux


Nous avons dans un premier temps arpenté le site, nous avons lu des rapports et historiques du site, pour venir nourrir la réflexion, donner un sens plus juste et plus profond que la simple juxtaposition d’usages potentiels et existants : la promenade, la chasse, la cueillette des champignons, la pratique de la moto.

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Esquisse d’aménagement : sentiers et stations


Organiser les fonctions sur le site :
D’une part, nous sous sommes attachés à comprendre ces usages afin de les organiser sur le site. Coexistent aujourd’hui des fonctions qui cohabitent mal : publics et aspirations différentes entre les motards, les chasseurs et les familles en balade.
Nous avons donc ainsi réparti les usages : confortement de la partie bruyante et motorisée dans l’est et donc possibilité de traverser le site en voiture, et partie calme à l’ouest avec des parkings aux extrémités et une vocation liée à la découverte et la rando nature.
Organiser les entrées et le stationnement :
A ces différents usages et correspondant aussi à la géographie du site, sont organisées des entrées bien identifiées.
Les deux entrées principales sont positionnées en accroche avec le chemin Boisné, à chaque extrémité et correspondant à la fréquentation du pôle nature ou du pôle sportif. Ils doivent être bien identifiés sur le trajet mais être bien intégrés au paysage par des matériaux et des plantations cohérentes.
Le troisième pôle de desserte et de stationnement est au coeur du site en articulation avec les deux pôles. Il permet l’accueil des scolaires et des touristes, offre un point sanitaire ou d’abri. L’existence de deux petits édicules en pierre a été le moteur de ce positionnement ; de bonne facture, ils pourront être réutilisés afin de redonner une vocation à ces vestiges.
Il est proposé en option, d’implanter une aire d’accueil des camping car avec un point d’eau et/ou de vidange ou de recharge électrique.
Le deuxième point important est celui de l’organisation des flux, la hiérarchisation des circulations dans et autour du site.
Définir les circulations :
4 typologies sont proposées pour accompagner les différentes vocations du site, organiser les usages des publics variés :
- les voies accessibles aux véhicules motorisés : chemin Boisné et chemin de Veillard à Segonzac
- les voies non accessibles aux voitures mais pouvant accueillir les véhicules motorisés tels que motos et quads
- les voies non accessibles aux véhicules motorisés et à usage mixte : vélos, chevaux (il existe un projet d’implantation d’un centre équestre à proximité) et piétons, avec une boucle périphérique dans la partie ouest : chemin de St Fort, voie à créer en limite sud, chemin de la Nérolle et l’ancien chemin d’exploitation qui double le chemin Boisné.
- enfin les sentiers exclusivement piétons qui se faufilent dans cet écosystème fragile.
Reste à structurer, donner du sens au lieu en faisant émerger les traces, en matérialisant la mémoire collective attachée à ce lieu.

Des stations pédagogiques qui content le site


Car ce site a certes un intérêt immédiat lié aux nouveaux paysages et à ses ressources animales et végétales actuelles, mais il renaît avec plus de force dès lors qu’on offre aux visiteurs les clefs de lecture qui le rattachent à l’histoire de ce territoire et des hommes qui l’ont façonné.
Il est proposé un guide, un fil d’Ariane qui conduit les visiteurs sur l’ensemble du site. Cadencé par des stations, à la manière d’un chemin de croix (n’oublions pas le caractère sacré que le lieu porte en lui), il est proposé l’aménagement de 5 sites thématiques abordant une facette de l’histoire ou de la richesse naturelle du site, afin de renforcer son identité.
Trois stations s’attachent plus particulièrement à l’histoire et deux abordent la question naturaliste, afin de rendre compte de la superposition des pratiques et paysages qui se sont succédé et dont le site actuel est la résultante.

Droits réservés ADAGP_ Emmanuel de Cockborne

-  Station 1, la Croix Ferrade, à la croisée des routes ancestrales.


Ce noeud routier fait croiser la voie protohistorique de St Fort le long de laquelle sont positionnées des pierres levées, le chemin Boisné et l’ancien axe d’exploitation de la Ballastière dont la voie ferrée traversait le carrefour.
Ce noeud est marqué par un taillis épais duquel émergent quelques vestiges d’un ancien puits et dont les municipalités de Segonzac et Bourg souhaiteraient la réhabilitation.
Il a également été évoqué l’éventualité de fouilles archéologiques sur et autour de la voie romaine.
L’image associée à la voie romaine est bien souvent celle d’un chemin ancien, pavé, borné.
A l’emplacement de la croisée, il sera proposé un traitement qualitatif de la route réemployant des matériaux anciens. Point de départ des sentiers de balade à travers la lande, il est proposé aussi un traitement de parvis mettant en valeur le chêne sur sa butte, ainsi que le surplomb du site, le modelé des veines d’extraction.

Droits réservés ADAGP_ Emmanuel de Cockborne

-  Station 2 : l’Assemblée du Désert, histoire et religions


Il existe sur le chemin de St Fort une clairière et un modelé qui constituent un bon emplacement pour la réalisation d’un petit théâtre de verdure. Terrassé, composé de pierres de récupération pour les emmarchements, puis engazonné et planté d’arbres au symbolisme religieux (les cimetières protestants poitevins sont traditionnellement plantés de pins parasols), ce lieu paisible mais convivial pourra accueillir les manifestations locales de plein air. Le village de la Nérolle est déjà le lieu de spectacles nocturnes dans le cadre des Nuits Blanches, il pourra être proposé une halte dans ce lieu pour évoquer les Assemblées protestantes au cours du XVIIIe siècle.

Droits réservés ADAGP_ Emmanuel de Cockborne

-  Station 3 : les Ballastières, l’histoire et la géologie


Le site des Ballastières évoque la géologie d’un site exceptionnellement composé d’un sable déposé au fond de ce qui était un bras de la Charente. Le reste du territoire est en effet composé de calcaire et d’argiles qui accueillent aujourd’hui ce paysage viticole. Le site peut aussi évoquer la préhistoire, puisque silex, dents de Mammouths et autres fossiles ont été découverts tout au long de l’exploitation des sablières. Enfin, c’est aussi l’histoire de la modernité avec la construction du chemin de fer qui est évoquée par la repose de rails de récupération, le jeu des matériaux : roches et sables, colonisés par une végétation rase et qui composent un jardin minimaliste. La station est implantée dans une clairière au sol déjà maigre sur le parcours du chemin d’exploitation ferré qui rejoignait la voie Royan-Angoulême. On peut éventuellement aussi imaginer un dispositif ludique sur ces rails proposant une aire de détente pour les familles avec leurs enfants, sur le thème du rail (plateaux bas positionnés sur les rails ou wagonnets, sur le principe simplifié du vélo-rail ?)

Droits réservés ADAGP_ Emmanuel de Cockborne

- Station 4 : les collection végétales, botanique et jardinage


Au coeur du site, un grand plateau plutôt surélevé et dégagé, qui est positionné à l’articulation des zones replantées en 1980, offre l’opportunité de disposer d’un site pédagogique pour initier les visiteurs à la botanique. Plusieurs dispositifs sont proposés, ayant pour but de montrer des collections végétales.
Le premier est un verger de variétés fruitières anciennes, à planter en collaboration avec les habitants et les scolaires, qui apprendront ainsi à connaître le site et à se l’approprier. Ce sera la collection du XXIe siècle.
Le second dispositif est la présentation des espèces spontanées présentes sur le site pour identification. Présentées dans des bacs larges et étiquetées comme dans un jardin botanique, elles donnent les clefs de reconnaissance aux visiteurs qui vont ensuite apprendre à les identifier dans le milieu naturel. On pourra ainsi présenter les nombreux prunelliers, les érables champêtres, le fusain d’Europe, les chênes, les cornouillers, les genévriers ou les troènes des bois. _ Une communication sur leurs atouts, bienfaits et usages, pourra inciter le public à les réintégrer au jardin ou dans les haies champêtres.
Enfin, un grand observatoire en bois se posera comme un signal du parc au loin, un repère dans le site et permettra de contempler faune et flore d’en haut, de re-situer aussi les arbres plantés il y a trente ans et qui constituent désormais un arboretum. De ce point partent des sentiers qui se faufilent dans la lande et qui relient les arbres identifiés individuellement : cèdres de l’Atlantique, pins sylvestres, platanes, cyprès d’Arizona, érables…

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-Station 5 : la mare pédagogique, botanique et écologie


Dans cette cuvette humide stagnent en hiver les eaux de ruissellement cumulées avec la remontée de la nappe.
Il est proposé de creuser plus profondément cette cuvette et de l’étanchéifier de façon naturelle avec de l’argile pour retenir en été l’humidité. Un point d’eau est ce qui manque au site et apportera une plus-value écologique certaine en accueillant des batraciens, des libellules. Ce sera l’occasion de sensibiliser les visiteurs et les scolaires au rôle de l’eau et d’attirer leur attention sur le caractère sensible du site qui alimente en eau potable les communes environnantes.
Des ponceaux en bois permettront de traverser la mare afin d’observer au plus près les insectes cachés dans la végétation. D’autres pourront être plus ludiques (plateaux bois montés sur ressort) pour imiter le saut des grenouilles.
Enfin, une végétation humide sera inféodée à la mare et sur les lisières du site afin de renforcer son aspect humide et sauvage.
Il pourrait aussi être envisagé pour amplifier son remplissage de récupérer les eaux de ruissellement du parking central, des eaux de toiture des sanitaires et préau, et des eaux très peu chargées des lave-main des sanitaires, à travers le boisement de platanes.
Cette zone centrale a le mérite de posséder des vestiges bâtis qui sont le point de départ de la proposition d’installer un point d’accueil pourvu de sanitaires.
Elle constitue également le pivot entre la partie dédiée au sport (motocross et vélocross) et offre une belle situation ombragée.
Le projet de 1980 prévoyait en outre un parking à l’ouest, qui a été repris ici. La proximité des espaces pédagogiques à destination des scolaires (arboretum et mare) conduisent à positionner un espace de stationnement pour les bus.
Un grand espace récréatif enherbé complète l’espace pour permettre la tenue de pique-niques ou de jeux pour les scolaires, de tivolis pour les fêtes.
L’organisation de manifestations de motocross amène un grand nombre de participants à séjourner plusieurs nuits aux abords du terrain. Afin d’éviter les installations sauvages et les dégradations du site, il est proposé l’organisation du stationnement et l’implantation de sanitaires décents. Les bosquets existants ou à conforter seraient entourés d’un barriérage solide, comme cela est pratiqué sur la côte atlantique landaise afin de structurer l’ensemble, organiser l’intimité du campement et assurer la pérennité du boisement et de l’ombrage.

Dans la presse :
- Charente libre du 19 avril 2012 : Segonzac : la visite guidée des Ballastières dope les idées de projets
- Le blog de la Charente Libre : tag des Ballastières